Interview Agribusiness de Sandra BALCON

En ce mois de mai, nous changeons de territoire, et vous dévoilons l’interview de Sandra Balcon, éleveuse de poules pondeuses en Andorre.

Merci à Sandra pour le temps accordé, et à pour s’être livrée à nous, sur son entreprise, ses inspirations, et ses ambitions.

Bonjour Sandra, peux-tu te présenter, décrire ton activité agricole, sa localisation ? 

Bonjour, je m’appelle Sandra Balcon, j’ai 51 ans, et je tiens un élevage de poules pondeuses en Andorre et plus précisément à Canillo, à une altitude de 1900 mètres.

J’ai été institutrice pendant 30 ans, puis j’ai décidé de faire une reconversion dans un tout autre domaine : l’agriculture. Mon but était avant tout de créer mon entreprise, et de pouvoir faire de la production locale. Je suis allée faire des formations en aviculture écologique et ai également appris sur le terrain, en France et en Espagne, ce qui m’a permis de me lancer. Cet animal est très complexe et sensible. Les normes à respecter, les précautions à prendre, et les risques liés à ce type d’élevage, sont autant de paramètres à prendre en compte.

Avec cette réorientation, tu as suivi un rêve ? D’où vient cette fibre agricole?

Je ne viens pas d’une famille agricole en Andorre, mais on a toujours eu des animaux, dont des poules. Ce que j’aime, c’est la production, au-delà du monde animalier qui m’attire également. Dans cette activité, il y a énormément d’aspects qui se rejoignent et qui me plaisent :

–      Être auto-entrepreneur

–      La liberté

–      Travailler en extérieur

Certes, l’élevage est le plus important, mais j’ai quand même une grande liberté et un cadre de travail splendide, je fais ce que je veux, comme je veux, et c’est ce dont j’avais besoin pour poursuivre ma carrière professionnelle.

Comment l’envie d’entreprendre t’est venue ?

C’est le fruit d’une remise en question ! Après 30 ans dans l’enseignement et de passion pour mon métier en tant qu’institutrice, j’ai senti que le moment était venu pour moi de tourner la page et de développer mon projet, avec encore une fois, de la passion. C’est dans mon caractère. J’avais vraiment envie de travailler pour moi. De plus, dans l’agriculture, on n’a pas d’horaires, ni de jours de repos. On vit au rythme des saisons, l’animal, lui, vit au jour le jour ! Et c’est ce qui me plaît !

Les personnes qui travaillent dans le monde de l’agriculture sont des passionnés, j’ai réellement envie de développer ma vocation, comme je l’ai fait en tant qu’institutrice.

En Andorre, ce que tu fais n’existe pas. L’élevage de poules à 1900 mètres d’altitude, en pleine montagne est une innovation. Combien de temps a-t-il fallu pour tout mettre en place ?

Du moment où j’ai commencé à y penser tous les jours, jusqu’à la mise en place, j’ai mis deux ans. Cela fait maintenant un an que l’exploitation est en fonctionnement.

J’ai effectué beaucoup de visites de sites de production avicole écologique avant de me lancer, afin de comprendre et d’apprendre. Les œufs en Andorre viennent en majorité de France, ou de Catalogne. Mais c’est surtout de l’agriculture intensive. Et c’est ce que je ne veux pas.

Je veux avoir un élevage de poules libres, et dans de bonnes conditions.

Et en tant que femme, c’est aussi plus simple à gérer, car c’est un petit animal.

Quels obstacles as-tu pu rencontrer ? Ou des bonnes surprises ?

Tout d’abord, le fait d’être à 1900 mètres d’altitude est un réel risque. Mais la poule est pondeuse, donc elle couve l’œuf. Sa température corporelle est, par conséquent, très élevée. De plus, elle haït la chaleur, cela peut la rendre malade. Donc, le froid n’est pas forcément un problème s’il est bien géré.

La nouveauté d’un tel projet a demandé des ajustements aux niveaux administratifs et réglementaires. Le tout additionné aux installations que je souhaitais mettre en place afin que l’exploitation soit totalement écoresponsable, fut très complexe. Beaucoup de personnes de mon entourage ne comprenaient pas, ou pensaient le projet irréalisable. Mais grâce à ma persévérance et au soutien de ma famille, et à celui de nombreux chefs de restaurants ici, en Andorre, j’y suis arrivée. Il ont cru en mon projet et en ma production dès le premier jour, et aujourd’hui ce sont mes œufs qu’ils servent dans leur assiette, ce qui est une grande réussite.

Le principal risque pour moi était que les poules ne pondent pas, à cause du changement des conditions de vie à leur arrivée, mais cela n’a pas était le cas fort heureusement, et aujourd’hui tout est très positif. De plus, j’ai pu continuer à me former à distance, ce qui a multiplié mes chances d’apprendre. En Andorre, je n’avais personne pour me faire découvrir le métier, mais beaucoup de personnes m’ont suivi, soutenue et approuvé mon projet.

Mon fils m’a dit “maman, tu fais un projet qui fait réellement la différence, il n’y aucun œuf comme le tien, plus local que jamais” et c’est vrai ! Mon but est que petit à petit, le pays adapte sa façon de produire, mais également de satisfaire le consommateur. Quand mes clients mangent mes œufs, qu’ils se rendent compte de la différence et qu’ils me félicitent, cela n’a pas de prix ! Je sais alors pourquoi je me suis lancée dans l’aventure et cela en vaut le coup.

Quels sont tes futurs objectifs ? Qu’est-ce qui te motive à innover ?

Quand j’ai commencé ce projet, j’avais 1000 idées en tête. Aujourd’hui, on peut dire qu’il m’en reste 800 ! (Rires). J’aimerais, dans un premier temps, faire évoluer les infrastructures. Agrandir la grange, planter des arbres pour qu’elles aient de l’ombre en été … J’ai également besoin de trouver ma routine, de me reposer, de partir en vacances en famille… et pour cela pouvoir embaucher ou me faire remplacer de temps en temps.

Je souhaite continuer à développer l’élevage.

Mais l’essentiel pour moi est de garder une bonne qualité de vie, de produire de manière responsabled’évoluer dans le domaine de l’élevage, en apprenant avec une autre race de poules par exemple, ou d’autres types d’œufs … J’ai des projets qui fusent ! Mais mon but est avant tout de trouver un bon rythme.

Le lancement du projet a été très intense !

Je souhaiterais également pouvoir sensibiliser les gens sur le fonctionnement d’une exploitation avicole. Étant ancienne institutrice, j’aimerais pouvoir montrer ce monde aux enfants, et leur permettre de découvrir et de comprendre d’où vient l’œuf qu’il y a dans leur assiette, de leur expliquer en direct les étapes.

Mais le problème est que c’est très compliqué de faire visiter une exploitation avicole écologique. Il y a des normes sanitaires très strictes à respecter.

As-tu un conseil pour les personnes qui veulent se lancer dans l’entreprenariat ?

Lorsque l’on entreprend, on passe par plusieurs phases : l’euphorie et des moments de doutes, on craint de sortir de notre zone de confort.

Mais pour ma part, lorsque l’on me demande “pourquoi t’être lancée dans la production d’œufs”, je réponds que je ne sais pas (rires)C’est l’instinct. C’est motivant, ça nous aide à prendre des décisions. Il faut également être bien entouré, afin d’être encouragé. C’est rassurant de voir qu’on est suivi et soutenu. Il faut avoir le courage de sortir de notre zone de confort, prendre le temps de rechercher ce qui nous plaît, et de le conjuguer avec ce qui est possible, mais surtout de se donner les moyens. Il ne faut pas être attiré par l’ambition économique, mais plus par faire ce qu’il nous plait.

Le chiffre d’affaires ne fait pas tout !

 

As-tu un mantra ?

La liberté ! Du matin au soir, j’aime ce que je fais, et comment je le fais, et ça, ça n’a pas de prix. Je suis moi-même, et mon activité me passionne.